Une ville humaniste et soucieuse du bien-être de ses habitants est avant tout une ville accessible, avec des possibilités de mobilité pour tous. Malheureusement, dans les grandes métropoles comme New York, Londres ou Tokyo où sont concentrées des foules, il faut reconnaître que le quotidien est souvent marqué par lʼengorgement des rues et la pollution de lʼair.
Les embouteillages représentent un problème économique majeur compte tenu du nombre dʼheures de travail perdues chaque jour dans les bouchons et du prix très élevé de lʼessence. À Mexico, par exemple, lʼune des villes où la circulation est particulièrement congestionnée, la vitesse moyenne des voitures aux heures de pointe ne dépasse pas les 4 km/h. Dans nos sociétés où tout va si vite, chaque minute compte car le temps a une valeur économique, et gagner sa vie devient un combat de tous les jours pour les citadins stressés, épuisés… et exaspérés.
Alors quelle est la solution ? La bonne vieille bicyclette bien sûr ! Un nombre croissant de villes dans le monde se convertissent en villes cyclables dans le cadre dʼune stratégie plus large visant à valoriser leur politique écologique. Prenez Copenhague, au Danemark, par exemple : la majorité des cyclistes y privilégient ce mode de transport parce quʼils gagnent ainsi du temps dans leurs déplacements, et la ville y « gagne » 90 000 tonnes dʼémissions de CO2 en moins chaque année.
La solution cyclable
Les villes cyclables sont axées sur lʼhumain. Beaucoup de villes modernes dans le monde reconnaissent que lʼaménagement dʼespaces cyclables crée des environnements de vie efficaces et attractifs, qui présentent des avantages en termes dʼamélioration du paysage urbain, dʼutilisation rationnelle du territoire et de simplicité des déplacements, tout en favorisant un mode de vie plus sain.
Prenons lʼexemple dʼune ville française de taille moyenne comme Annecy, en France, où 50 % des déplacements sʼeffectuent dans un rayon de 3 km. Pour des distances aussi courtes, le vélo est le moyen de transport le plus rapide, puisquʼil permet de traverser la ville en 15 minutes chrono... et cʼest aussi une source dʼexercice physique idéale au quotidien. Cʼest aussi un mode de déplacement abordable que, contrairement aux voitures, même les segments les plus défavorisés de la population peuvent en général sʼoffrir.
Le vélo offre également une plus grande flexibilité dans les déplacements. À vélo, on peut facilement croiser les gens de son quartier ou faire ses courses dans les magasins du coin. Cʼest donc aussi un facteur de cohésion sociale et de soutien aux petits commerces de proximité.
Parquer son vélo nʼest pas un gros problème. À Annecy, par exemple, les cyclistes peuvent la plupart du temps se garer gratuitement à proximité de leur destination, car la ville sʼest dotée de plus de 3 500 places de stationnement pour les vélos et les motos. Toutes les villes nʼont pas toujours cette possibilité.
Pédaler pour rester en bonne santé
Le premier bénéfice de la pratique du vélo, cʼest la santé. Qui nʼa jamais ressenti lʼeffet euphorisant des endorphines après une bonne course à vélo ? Le cyclisme nʼest pas seulement un bon exercice physique qui fait simultanément travailler le cœur et les muscles, cʼest aussi un moyen formidable de retrouver une sensation de bien-être. Rouler régulièrement à une allure modérée permet dʼaméliorer progressivement sa capacité respiratoire, tonifie les muscles, et soulage la tension nerveuse. Sans compter quʼaprès tous ces efforts, vous dormirez aussi bien mieux !
En pédalant tous les jours un peu, on réduit le risque de développer des pathologies plus graves comme le cancer, le diabète, les maladies cardiovasculaires, ou encore les maladies de Parkinson et dʼAlzheimer. Mais comment valoriser la pratique du vélo pour en faire un mode de transport attrayant ? Comment aménager nos villes pour que le vélo se banalise en un simple prolongement mécanisé de la marche à pied ?
Une image floue
La ville de Copenhague « gagne » 90 000 tonnes dʼémissions de CO2 en moins chaque année grâce aux cyclistes.
Jusquʼici je nʼai pas de réponses très claires à ces questions. Lʼun des obstacles importants qui empêche le développement de ce mode de transport efficace quʼest le vélo tient sans doute à la conviction bien ancrée que le vélo est un sport, pas un moyen de transport. Ce sont les grandes compétitions cyclistes comme le Tour de France ou les Jeux olympiques qui ont gravé dans les esprits les images dʼune discipline sportive marquée avant tout par lʼeffort et la fatigue.
Le vol de vélos est un des grands fléaux qui freinent le développement de ce mode de transport. En effet, il décourage les cyclistes réguliers de se rééquiper, tout en dissuadant les personnes qui voudraient investir dans un vélo pour se mettre à ce mode de déplacement. En France, une enquête de lʼIFRESI-CNRS (Institut français de recherche scientifique) a montré que 25 % des cyclistes renoncent à racheter un vélo après un vol, et la majorité des autres se contente dʼacheter un vélo dʼoccasion, bon marché, dʼautant plus que le marché de lʼoccasion est alimenté en partie... par le vol.
Malgré ces difficultés évidentes, lʼindustrie mondiale du cyclisme devrait représenter quelque USD 65 milliards dʼici 2019, stimulée par la tendance récente pour les activités de loisir et de fitness, lʼengorgement des villes par la circulation automobile et lʼaugmentation du prix de lʼessence. Au Japon, le marché du vélo est en plein essor, avec en 2010, près de 9,5 millions dʼunités, soit un marché estimé à 116,6 milliards de yens (EUR 1 milliard). De la même manière, le marché des vélos électriques, qui représente en Amérique du nord et en Europe de lʼouest une option de déplacement tendance, a bondi de 25 %.
Stimuler le virus du vélo
Pour bien développer le cyclisme urbain, il est essentiel de mettre en place lʼinfrastructure adéquate, avec des pistes cyclables et des places de stationnement pour vélos. Il faut aussi organiser des campagnes de communication pour promouvoir le vélo, éduquer les enfants et cibler les groupes qui nʼont pas lʼhabitude de ce mode de locomotion. Ces initiatives sont importantes pour établir une « culture vélo » dans les villes où le vélo nʼavait pas sa place jusque-là.
Mais la motivation pour se déplacer en ville à pied ou à vélo ne vient pas toute seule, elle va forcément de pair avec un environnement urbain favorable qui donne aux habitants envie de le faire. Rien dʼétonnant alors quʼune partie du plan de protection de lʼenvironnement ambitieux de la Ville de New-York (PlanNYC) implique une amélioration générale de lʼenvironnement public, avec un plan dʼaménagement cyclable de très grande envergure. Naturellement, chaque ville étant différente, leurs stratégies seront nécessairement différentes, mais il existe des principes généraux qui sont valides dans le monde entier.
Pour encourager la pratique du vélo, il est essentiel dʼaménager des espaces de stationnement adéquats. Sʼils peuvent disposer de vélos dans un endroit commode et sécurisé, les citadins les utiliseront automatiquement sur de petits trajets pour faire leurs courses ou autres. Jusquʼici, les vélo-stations sont généralement situés dans des zones de circulation très dense telles que les zones de jonction avec dʼautres modes de transport (train, bus, métro et parkings automobiles), mais il faut également des emplacements dans les quartiers résidentiels et les immeubles, les lieux de travail, les commerces, les écoles, les équipements publics et lieux de divertissement.
Avec le stationnement des vélos se pose aussi la question de la protection contre le vol. Le système doit être équipé dʼun élément permettant de fixer solidement le cadre du vélo à lʼaide dʼun cadenas. Un bon plan dʼurbanisme prenant en considération les cyclistes et intégrant dès la phase de projet des aménagements pour le rangement des vélos dans les plans de construction peut contribuer à encourager le retour de « la petite reine ».
Un certain nombre de villes dans le monde ont mis en évidence que lʼaccroissement des infrastructures cyclables implique de choisir très attentivement les politiques et les mesures dʼappui à mettre en œuvre. Dans le rapport quʼil a rendu en 2012 aux autorités françaises, lʼISO/TC 149/SC 1 a proposé de fixer comme objectif un accroissement de la part modale du vélo de 1 % par an pour atteindre 10 % en 2020 en modifiant les règles de lʼurbanisme de manière à le rendre favorable au vélo, en facilitant la circulation des vélos sur le réseau hors ville, en rendant le réseau dans les villes accessible de façon sûre et aisée et en améliorant la qualité des équipements, des vélos et des infrastructures.
La sécurité avant tout
En quoi lʼISO est-elle concernée par les villes cyclables ? Elle lʼest à différents titres. Les vélos doivent être des véhicules sûrs, pratiques et bénéfiques pour la santé. Or, ces dernières années sont arrivés sur le marché des vélos de qualité insuffisante pour durer et qui ont causé un nombre inquiétant dʼaccidents. La sécurité des usagers est donc un aspect qui requiert une attention particulièrement forte.
Depuis la publication, dans les années 1980, dʼISO 4210, la première norme ISO sur les exigences de sécurité des vélos, suivie quelques années plus tard par ISO 8098 sur les exigences de sécurité des vélos pour enfants, un long chemin a été parcouru. Lʼun des objectifs de lʼISO/TC 149/SC 1, le comité qui a développé ces normes, est de mettre lʼaccent sur les considérations de sécurité, sans prendre spécifiquement en compte les composants pour les vélos assemblés, qui sont traités dans dʼautres normes.
En établissant des normes en matière de sécurité, lʼISO contribue au développement du vélo comme un mode efficace de transport dans une optique sportive, récréative et touristique. Dans mon rôle de Président de lʼISO/TC 149/SC 1, ma priorité est de dégager le consensus au niveau mondial pour veiller à ce que ces normes soient réellement utilisées et quʼelles ne dorment pas au fond dʼun tiroir. Sur le plan technique, je dois également rester en phase avec lʼévolution des besoins des consommateurs, des autorités publiques et de lʼindustrie... en tenant compte de lʼavancée technologique pour que les cyclistes sʼinscrivent durablement dans nos nouveaux paysages urbains.