ISO 9001 vient d’être mise à jour ! Dans l’univers du management de la qualité globale, il s’agit là d’un événement prometteur et d’une importante nouvelle pour plus d’un million d’organismes certifiés ISO 9001 à travers le monde, ainsi que pour les millions de personnes utilisant quotidiennement la célèbre norme ISO relative aux systèmes de management de la qualité (SMQ) en vue de faciliter le commerce. La dernière version révisée 2015, qui vient d’être publiée, donne un nouveau lustre au « joyau » du management de la qualité, pour que cette norme conserve toute son actualité et sa pertinence dans notre monde connecté.
Parue en 1987, ISO 9001 a été révisée quatre fois à ce jour, et la toute dernière version – ISO 9001:2015 – est l’aboutissement de la première révision majeure depuis 2000. Il aura fallu trois ans pour produire cette version, fruit du travail de centaines d’experts de l’industrie et du commerce, de parties prenantes de la normalisation (consultants, utilisateurs, laboratoires d’essais, organismes de certification, etc.), d’universités et d’instituts de recherche, de gouvernements, d’ONG, représentant 81 comités membres de l’ISO dans le monde, ainsi que de milliers de participants au sein des comités miroirs nationaux qui ont examiné le projet de norme et soumis des observations tout au long du processus de révision. Le résultat de cette entreprise fait entrer de plain-pied dans le 21e siècle la norme ISO la plus vendue.
Les organismes certifiés ont trois ans à compter de la publication, en septembre 2015, d’ISO 9001:2015 pour aligner leurs systèmes de management de la qualité sur la nouvelle édition de cette norme, bien qu’il faille espérer que ces organismes n’attendront pas la dernière minute pour bénéficier des évolutions majeures de la toute dernière version de cette norme.
« Cela change la donne ! »
Les premières réactions des réviseurs et des utilisateurs de cette norme ont été très positives. « Cela change la donne ! » a déclaré Simon Feary, Directeur général du Chartered Quality Institute au Royaume-Uni. Alan Daniels, de Boeing, qui a représenté l’International Aerospace Quality Group au sein du sous-comité responsable de la révision d’ISO 9001, y voit « une réelle amélioration qui permettra d’aboutir à un SMQ plus solide ». « C’est une formidable occasion pour les organismes de recentrer leur SMQ sur leurs activités », conclut Sheronda Jeffries, de Cisco Systems, qui représente le Forum QuEST, un organisme de qualité globale dans le domaine des télécommunications (TIC). Mark Braham, qui représente l’Automobile Association du Royaume-Uni, estime pour sa part qu’ISO 9001:2015 aura de très grandes répercussions dans le monde. Luiz Nascimento, de l’Associação Brasileira de Normas Técnicas (ABNT), pense quant à lui que cette norme révisée renforcera le sentiment que les systèmes de management de la qualité opèrent réellement.
Pourquoi changer ?
De nombreux utilisateurs, satisfaits d’ISO 9001 sous sa forme actuelle, pourraient se demander pourquoi il fallait réviser une norme qui remplit son office. Mais cette version révisée répond aux nombreuses évolutions intervenues, en l’espace de 15 ans, dans les domaines des technologies, de la diversification des entreprises et du commerce international, depuis la publication d’ISO 9001:2000.
ISO 9001:2015 prend en compte l’importance accrue du secteur des services qui sont, eux aussi, concernés par le management de la qualité. Cette version révisée reflète également l’appel à plus d’intégration et d’alignement des SMQ sur les orientations stratégiques et commerciales des organismes, et facilite l’intégration de plusieurs systèmes de management ISO tels qu’ISO 14001, et de SMQ sectoriels comme l’AS9100 pour l’industrie aérospatiale.
Alan Daniels, qui représente le point de vue de l’industrie aérospatiale, souligne également que les changements intervenus dans les modèles économiques, la complexification des chaînes logistiques, ainsi que l’augmentation des attentes des clients, justifiaient une adaptation de cette norme dans un monde en pleine mutation. Il estime qu’ISO 9001 doit permettre d’accroître la capacité des organisations à répondre aux attentes de leurs clients, tout en reflétant l’environnement toujours plus complexe dans lequel ces dernières opèrent. Elle doit aussi tenir compte des besoins de toutes les parties intéressées et s’aligner sur d’autres systèmes de management – d’où la nécessité d’une révision approfondie et détaillée.
Les modifications apportées sont-elles concluantes ? Pour Anni Koubek, qui dirige le département Innovation de Quality Austria, la version 2015 de cette norme « répond nettement mieux que la version 2008 au contexte commercial dans lequel évoluent la plupart des organismes, à savoir un environnement mondialisé, dynamique, complexe, connecté et axé sur les technologies de l’information (TI). »
Qu’est-ce qui a changé ?
Première bonne nouvelle, ISO 9001:2015 sera plus facile à utiliser, notamment en association avec d’autres normes de systèmes de management ; elle sera également moins prescriptive – par exemple, la documentation sera moins contraignante et plus conviviale, et le langage a été simplifié. La philosophie sous-jacente d’ISO 9001:2015 est axée sur l’importance de l’élément de sortie. On cherche donc à savoir si les processus d’un organisme donné permettent d’obtenir les résultats escomptés, et si le système tient bien ses promesses – question centrale dans la mise en œuvre d’ISO 9001 – en « démontrant l’aptitude de l’organisme à fournir constamment des produits et des services conformes aux exigences », explique Nigel Croft, Président du sous-comité de l’ISO en charge de la révision de cette norme.
« ISO 9001:2015 est fortement axée sur la performance et se concentre davantage sur les objectifs à atteindre que sur la manière de les atteindre » ajoute M. Croft. Cette nouvelle version combine l’efficacité de « l’approche processus » à un nouveau concept central, « l’approche par les risques », afin de hiérarchiser les processus, en appliquant le cycle PDCA (Planifier-Réaliser-Vérifier-Agir) à tous les niveaux de l’organisme pour gérer les processus ainsi que le système dans son ensemble, et donc améliorer les performances. Cette nouvelle approche par les risques vise à éviter des conséquences indésirables telles que des produits et services non conformes.
La version 2015 adopte la nouvelle structure de niveau supérieur pour les normes ISO relatives aux systèmes de management – fondée sur l’Annexe SL du Supplément ISO consolidé des Directives ISO/IEC. Cette nouvelle approche devrait avoir un impact significatif pour les organisations, les formateurs, les consultants, les organismes de certification et d’accréditation, les auditeurs et les rédacteurs de normes. L’Annexe SL prévoit une structure et des textes identiques, ainsi qu’une terminologie et des définitions communes pour toutes les futures normes de systèmes de management de l’ISO (NSM), donnant à chaque norme un aspect similaire et facilitant la mise en œuvre simultanée de plusieurs de ces normes au sein d’une organisation. Désormais, toute nouvelle NSM se conformera à ce cadre afin d’assurer cohérence et compatibilité, mettant ainsi fin à toute confusion éventuelle au moment de sa mise en œuvre.
Mark Braham, du Charted Quality Institute, liaison de catégorie A au sein du comité technique ISO/TC 176, Management et assurance de la qualité, voit dans l’utilisation du cadre défini dans l’Annexe SL un « énorme avantage » en vue d’intégrer d’autres normes de systèmes de management, tout en réduisant le temps et les efforts nécessaires en termes de management pour répondre aux exigences. Pour sa part, Sheronda Jeffries estime que le cadre prévu par cette nouvelle Annexe permettra aux organisations de mieux saisir les différences et les similitudes entre ISO 9001:2015 et d’autres NSM.
Que vous apporteront ces changements ?
« ISO 9001:2015 reconnaît l’importance des activités d’une organisation donnée, que ce soit en termes de types de produits et services fournis, d’importance, ainsi que de facteurs externes et internes pouvant influer sur sa manière de travailler », explique Nigel Croft. Plutôt que d’imposer une « recette » pour la conception du système de management de la qualité, cette nouvelle version pousse chaque organisation à une réflexion sur ses particularités. Les organisations auront donc plus de souplesse dans la façon dont elles choisiront de mettre en œuvre cette norme, ainsi que concernant le type de documentation exigée et son volume.
L’un des facteurs essentiels était le meilleur alignement de toutes les normes de systèmes de management de l’ISO en termes de structure, de contenu et de terminologie, qui est particulièrement flagrant lorsque l’on examine les nouvelles versions d’ISO 9001 et d’ISO 14001, souligne M. Croft en faisant allusion à l’Annexe SL. Cet alignement vise à faciliter la vie des organisations qui ont besoin de satisfaire aux exigences de plusieurs normes dans un seul et même système de management.
Les atouts d’une approche par les risques
Pour Alan Daniels, cette nouvelle version permettra de mettre en place un SMQ plus robuste puisqu’elle relie l’approche processus intégrant le cycle PDCA et l’approche par les risques, et aligne le SMQ sur la planification stratégique et les processus métiers. « L’identification des risques apporte une valeur ajoutée et ouvre la voie à des améliorations, et l’engagement de la direction augmente les chances de réussite à tous les niveaux. » D’après Sheronda Jeffries, l’introduction de la notion d’« approche par les risques » et de celle de « risques et opportunités » encouragera les organisations à être plus proactives.
« L’approche par les risques aidera les organisations à prendre des décisions d’ordre opérationnel qui tiennent compte des risques, en fournissant la structure permettant de gérer ces derniers » explique Lorri Hunt, du cabinet Lorri Hunt & Associates Inc. basé aux États-Unis et spécialisé dans le conseil, l’audit et la formation dans le domaine des systèmes de management de la qualité. Anni Koubek estime également qu’il s’agit du changement le plus important de la version 2015, en précisant toutefois que ce n’est pas le seul élément différentiateur par rapport à la version de 2008 ; « c’est aussi l’orientation générale sur les résultats qui s’en dégage, ainsi qu’une certaine flexibilité concernant la façon dont le système de management est établi ».
Impliquer le leadership
D’après Simon Feary, le principal changement concerne le passage de l’engagement de la direction au leadership et (à l’) engagement, ancrant la responsabilité de la mise en œuvre et du fonctionnement du SMQ à tous les niveaux de l’organisation. Les exigences relatives à une plus grande implication de la direction mettront en avant les professionnels de la qualité comme jamais auparavant, explique-t-il. Que ce soit lors de la mise en œuvre de programmes de management de la qualité ou lors de l’audit de SMQ selon les normes de systèmes de management, M. Feary encourage les professionnels de la qualité à saisir l’opportunité de développer de nouvelles compétences et jouer un rôle pour valoriser leur organisation.
Pour Mark Braham, la principale évolution réside dans le fait que l’accent est désormais mis sur l’engagement de la direction, notamment parce qu’« elle se doit d’agir pour répondre aux exigences et ne peut déléguer ». Lorry Hunt interprète l’importance accordée au leadership comme une transition vers une philosophie, non plus centrée sur la responsabilisation d’un seul représentant de la direction pour le SMQ, mais sur l’approbation du système par l’ensemble de la direction.
Leopoldo Colombo, Directeur général du Groupe Quara, une organisation latino-américaine spécialisée dans la formation et le conseil en management, estime que cette approche descendante augmentera de manière significative la valeur d’ISO 9001 aux yeux des cadres dirigeants. Il estime que l’époque où un responsable qualité était remercié, une fois son compte rendu sur le SMQ terminé, puis prié de quitter la réunion avant de passer aux questions sérieuses, est révolue. « La version 2015 met en place les exigences et les ancrages nécessaires pour s’assurer que le SMQ est solidement intégré aux activités de l’organisation et aligné sur ses orientations stratégiques, ce qui signifie que passer en revue l’efficacité du SMQ sera assimilé à passer en revue l’efficacité de l’entreprise. »
Repartir sur de nouvelles bases
« ISO 9001:2015 offre la possibilité de repartir sur de nouvelles bases en termes de mise en œuvre d’ISO 9001 par les utilisateurs » estime José Domínguez, membre du Conseil de l’Institut latino-américain pour la qualité (INLAC) et Directeur général de Plexus International au Mexique, une organisation offrant des services de formation, d’évaluation et de coaching dans le domaine des SMQ. Il estime que si les utilisateurs sont convaincus qu’ISO 9001 est le principal outil à leur disposition pour mettre en place, faire fonctionner et améliorer leur SMQ et l’utilisent comme l’un des fondements de leurs activités, ils trouveront dans cette norme un appui plus souple et plus fiable, facilement adaptable à la nature et au contexte de leur organisation.
Luiz Nascimento considère que, de manière générale, toutes ces modifications représentent une réelle avancée et permettent de renforcer l’idée que les systèmes de management de la qualité sont véritablement efficaces. « Il est possible que la perception du système de management de la qualité évolue et que ce dernier ne soit plus assimilé à de la paperasserie inutile et un fardeau administratif superflu », explique-t-il, ajoutant que cette nouvelle version, si elle est mise en œuvre comme il se doit, peut augmenter la crédibilité de la certification.
Certification par tierce partie
Qu’impliquera ISO 9001:2015 pour les organismes d’accréditation et de certification ? Si Mark Braham estime qu’elle entraînera dans un premier temps un surplus de travail pour passer en revue les écarts, mettre en œuvre les modifications et se préparer au premier audit de certification, il s’attend également à ce que les organismes de certification soient en mesure de réduire le nombre de jours d’audit nécessaires, permettant par conséquent de réaliser des économies.
Sheronda Jeffries estime que la compréhension du « contexte », des « parties intéressées » et du « domaine d’application du système de management de la qualité » aura un impact positif sur le processus de certification par tierce partie car les organismes seront encouragés à examiner les limites de leur SMQ et à reconnaître les besoins et les attentes de leurs clients.
Pour contrebalancer son enthousiasme vis-à-vis de cette nouvelle version, Simon Feary met en garde contre le fait que la réussite de sa mise en œuvre reposera sur la volonté des organismes de certification de relever le défi en reflétant les intentions des rédacteurs de la norme dans les services qu’ils proposeront. Mark Braham partage cet avis, soulignant que « le succès de cette nouvelle norme dépendra des capacités des organismes de certification et représentera un défi salutaire ». Il estime que c’est ce qui différenciera un certificat accroché au mur, d’un système de management efficace, capable d’augmenter la satisfaction des clients et de réduire les coûts opérationnels.
Une adaptation sans difficultés
Les premiers signes indiquent que les rédacteurs d’ISO 9001:2015 sont parvenus à élaborer un SMQ plus fiable qui permettra aux organisations d’inspirer confiance dans les produits et services qu’elles fournissent tout au long de la chaîne logistique aux clients dans le monde entier. Pour Nigel Croft, si ces signes se confirment, les organismes utilisant déjà un SMQ, dûment appliqué, fondé sur ISO 9001 ne devraient rencontrer aucune difficulté pour adapter leur SMQ aux exigences de cette nouvelle version.