En 2015, le Costa Rica a marqué un pas considérable en produisant de l’électricité pendant 285 jours consécutifs à partir de sources d’énergie 100 % renouvelables. Une réussite de plus à ajouter au palmarès de notre petite république d’Amérique centrale, qui s’est déjà distinguée, à la fin des années 1990, en tant que leader dans le domaine de l’écotourisme. L’ICE (Institut costaricien de l’électricité) a indiqué depuis, qu’à l’heure actuelle, le pays a battu son propre record puisqu’il a été capable de satisfaire pendant 300 jours à la totalité de sa demande d’électricité en utilisant les énergies renouvelables.
On peut se demander comment un pays de 51 000 km2 seulement, avec une population de cinq millions d’habitants, a réussi un tel exploit. Fort de sa situation géographique et de ses conditions géologiques et topographiques, le Costa Rica s’est concentré sur sa ressource la plus abondante : l’eau. Selon les statistiques de l’ICE, le mix énergétique du pays, dominé par l’hydroélectricité (75,3 %), comprend également la géothermie (12,84 %), l’éolien (10,08 %), la biomasse (0,77 %) et le solaire (0,01 %).
Aujourd’hui, en matière d’énergie, les différentes activités sont regroupées dans une seule et même politique, et dans le cadre de la Stratégie nationale sur les changements climatiques, le Costa Rica se fait fort de devenir le premier pays neutre en carbone au monde. Cette stratégie nationale témoigne de l’engagement de notre pays à continuer de fixer les objectifs à suivre sur toute la planète, comme nous l’avons fait en 1948 en renonçant à notre armée ou en devenant, à la fin des années 1980, le premier pays tropical à inverser le processus de déforestation.
Une solide démarche verte
Qu’est-ce que la neutralité carbone ? C’est le moment où les émissions nettes de gaz à effet de serre qu’un pays ou une entreprise rejette dans l’environnement sont réduites à zéro. Pour atteindre cet objectif, le Costa Rica vise à compenser ses émissions de carbone par des doses équivalentes d’oxygène. Ainsi, lorsque nous finirons par atteindre notre objectif, nous aurons la certitude que notre pays ne participe pas au réchauffement climatique ou à la détérioration de la qualité de l’air. Cet engagement concerne tous les secteurs de l’économie, dont l’un des produits d’exportation phare du Costa Rica : le café.
Depuis 2014, le projet NAMA Café aide à transformer l’industrie caféière en un secteur de production à faible émission de carbone. Cette industrie a été choisie parce qu’elle est l’une des sources d’émissions de gaz à effet de serre les plus importantes du secteur agricole. À cet égard, certaines usines de transformation du café ont déjà introduit des technologies innovantes pour le traitement de la pulpe et des coques (deux déchets de la production de café) afin de maîtriser leurs dégagements de méthane et les éviter.
D’aucuns disent que notre souci environnemental tient à la fertilité de nos sols et qu’il imprègne les mentalités de tous les Costariciens. En fait, le droit à un environnement sain et écologiquement équilibré pour tous a été inscrit dans la Constitution par voie d’amendement en 1994. Aujourd’hui, cet objectif de neutralité carbone est poursuivi dans tous les secteurs économiques au travers d’un processus participatif qui inclut des entreprises privées, des organismes gouvernementaux, des organisations non gouvernementales et des universités.
La contribution stratégique des normes
Un élément essentiel de l’engagement du Costa Rica à créer une société plus verte se reflète dans les efforts consacrés à maintenir la compétitivité du marché. Dans cette optique, il a mis en œuvre des programmes à l’échelle du gouvernement et à celui de l’entreprise. Par exemple, l’Instituto de Normas Técnicas de Costa Rica (INTECO), notre organisme national de normalisation, a publié une norme à suivre par les entreprises pour parvenir à la neutralité carbone.
Cette norme, INTE B5:2016, qui en est à sa troisième édition, vise à renforcer la compétitivité des entreprises en améliorant leurs performances environnementales par une bonne gestion des émissions tirant parti des avancées technologiques et par l’utilisation optimale des ressources naturelles et des matières premières. Cette norme, qui traite des exigences à remplir pour démontrer la neutralité carbone, suit les principes établis dans les Normes internationales ISO et cite en référence de nombreuses normes ISO sur les gaz à effet de serre, adoptées comme normes nationales.
La décarbonisation de la société englobe des activités qui visent à limiter, réduire au minimum ou corriger les dommages environnementaux causés à l’eau, à l’air et au sol, ainsi que les problèmes liés aux déchets, au bruit et aux écosystèmes. Elle concerne notamment l’emploi de technologies plus propres qui réduisent les risques environnementaux, la pollution et le gaspillage des ressources, ainsi que le recours à des biens et services respectueux de l’environnement. Un processus aussi complexe implique un cadre normatif capable d’intégrer en un seul domaine différents aspects : économie, technologie, coûts, préoccupations environnementales et durabilité.
Le cadre pour un modèle durable
Voilà le contexte qui a conduit à l’adoption nationale de la série de normes ISO 14064 pour la quantification, la surveillance et la déclaration des gaz à effet de serre, afin d’aider les entreprises à dresser un inventaire de leurs émissions. Élaborée par le comité technique ISO/TC 207, Management environnemental, elle fait désormais partie intégrante du programme de neutralité carbone du pays. Conformément à la législation nationale relative aux produits respectueux de l’environnement, le Costa Rica s’est également tourné vers la série de normes ISO 14020 sur l’étiquetage et les déclarations environnementales, établie par ce même comité ISO, qu’INTECO a incluse dans sa collection de normes par voie d’adoption nationale. Ces normes ont eu un impact considérable sur l’ensemble du domaine des technologies vertes, favorisant la mise en place d’un programme d’étiquetage environnemental à l’échelle nationale.
Ces normes, ainsi que d’autres normes de l’ISO/TC 207, ont contribué de manière significative à notre objectif de neutralité carbone parce qu’elles sont concrètes, efficaces et peuvent être utilisées par des organismes de tous types et de toutes tailles, à n’importe quel stade de développement. Bien qu’elles ne traitent pas directement de la neutralité carbone, ces normes soulignent l’importance d’une bonne gestion environnementale pour la compétitivité des entreprises. Elles fournissent également un cadre dans lequel les actions environnementales peuvent être continuellement améliorées pour atteindre les objectifs du pays en matière de développement durable.
Tout comme la démilitarisation du Costa Rica il y a de nombreuses années visait à favoriser la durabilité et le développement, la décarbonisation de l’économie du pays poursuit un objectif similaire. En effet, il est de plus en plus reconnu que le fait de se tourner vers les énergies renouvelables peut servir de catalyseur pour le développement durable et pour la réalisation du Programme des Nations Unies et de ses 17 Objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030. Actuellement, le gouvernement costaricien fait de gros efforts dans cette direction. Dans le cadre de cette démarche nationale, INTECO plaide en faveur du recours à des normes mondialement reconnues qui sont des outils essentiels pour aider le gouvernement, l’industrie et les consommateurs à atteindre ces objectifs durables. Fondées sur un consensus international, ces normes fournissent aux décideurs un socle de référence solide pour un impact positif sur notre environnement.
Enfin, la norme ISO 50001 sur les systèmes de management de l’énergie, adoptée en 2017 par INTECO, est une autre norme essentielle qui a servi de base à l’élaboration de normes plus spécifiques en matière d’efficacité énergétique répondant à notre politique nationale sur les économies d’énergie. L’intérêt de cette norme tient au fait qu’elle aidera un plus grand nombre d’entreprises costariciennes à mettre en œuvre de solides pratiques énergétiques, contribuant ainsi à notre objectif primordial de neutralité carbone.
Un modèle carbone à copier
Le modèle du Costa Rica peut-il être exporté ailleurs ? Je crois, pour ma part, que c’est possible, mais pour ce faire, les pays doivent établir des politiques nationales qui favorisent une culture dans laquelle les citoyens se mobilisent activement pour atteindre leurs objectifs environnementaux. Au Costa Rica, grâce à cet engagement, la protection de 25,6 % de la superficie du pays a pu être assurée.
L’éducation environnementale a également joué un rôle clé dans le développement durable et le Costa Rica a été l’un des chefs de file reconnus dans les efforts visant à promouvoir l’apprentissage dans le domaine de l’environnement. Étant donné qu’une grande partie du soutien social et économique à l’éducation s’est focalisé au Costa Rica sur les questions de conservation, l’éducation environnementale est devenue un point d’articulation entre le gouvernement et le peuple. En fait, le SINAC (Système national des aires protégées), qui relève du Ministère de l’environnement et de l’énergie (MINAE), y travaille depuis des années et a acquis une somme d’expérience en matière de biodiversité et de problématiques marines.
Le Costa Rica compte des spécialistes dans de nombreux domaines de la biologie, notamment en matière de biosphère, zones humides et sites classés. Des projets éducatifs financés par des partenariats entre les services public et privé ont également permis d’accroître la prise de conscience au niveau national. Ces projets doivent néanmoins constamment évoluer pour en garantir l’impact significatif à long terme.
Les défis à venir
Le Costa Rica a certes réalisé des progrès environnementaux impressionnants au fil des ans, en se positionnant comme un pionnier de la conservation de la nature, mais il reste encore de nombreux défis à relever. Nous devons, par exemple, établir un système de prévention, de contrôle et d’atténuation des impacts du changement climatique imputables à l’activité humaine. Pour être réellement efficaces, les activités relatives au contrôle et à la qualité de l’environnement doivent impliquer un large éventail d’acteurs sociaux et toutes nos institutions publiques.
À dire vrai, nos efforts pour coordonner le programme environnemental se sont intensifiés avec la mise en place d’organismes spécialisés, mais ceux-ci doivent mieux s’articuler avec les groupes intersectoriels existants. Il faut une participation plus importante des groupes environnementaux aux niveaux décisionnels. Les hommes politiques, les chefs d’entreprise, les enseignants et les autres personnes occupant des fonctions dirigeantes doivent s’engager davantage pour avoir une vision complète des enjeux et pouvoir ainsi participer plus pleinement au processus décisionnel.
Compte tenu de l’ampleur de la tâche, le plan visant à transformer la dépendance énergétique du Costa Rica est-il réaliste ? En fin de compte, l’adoption généralisée de l’énergie propre est un processus graduel, mais avec la recherche et le développement de technologies sans carbone et de normes pour nous aider, nous espérons un jour nous débarrasser une bonne fois pour toutes des combustibles fossiles.