Se faire soigner à l’étranger

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Étant donné les disparités actuelles de revenus entre les pays, même géographiquement proches les uns des autres, il n’est guère surprenant que la prestation de services publics puisse varier considérablement d’un pays à l’autre. Ce n’est nulle part aussi manifeste que dans le domaine de la santé, où le phénomène relativement nouveau du « tourisme médical » est déjà en plein essor.

Paul Webster, 43 ans, qui habite dans le quartier de Highbury, à Londres, est un touriste médical chevronné qui, ces cinq dernières années, a voyagé à l’étranger pour différentes sortes de soins, dont une intervention de chirurgie esthétique en Thaïlande, une arthroscopie du genou en Inde à la suite d’une lésion due à la pratique du rugby, et une intervention pour cause de hernie discale au Cap, en Afrique du Sud, où il a passé sa convalescence à se détendre au bord de la piscine. Paul a choisi de se faire opérer à l’étranger pour éviter de se retrouver sur une liste d’attente avant une éventuelle intervention à l’hôpital de son quartier et parce que le coût du traitement était inférieur d’environ 30 % à celui d’un traitement dans le privé près de chez lui. Désormais, après avoir tenté en vain de trouver un bon dentiste à proximité de son domicile, il va se faire soigner les dents dans une clinique dentaire de Cracovie, en Pologne – une destination desservie par des vols à bas prix.

Peu de gens choisiraient d’agir ainsi à moins d’y être vraiment obligés. Souffrir d’une maladie de courte ou de longue durée est déjà assez pénible et douloureux, mais voyager en étant malade peut paraître inconcevable à bien des personnes. Et pourtant, pour beaucoup d’autres, c’est précisément ce qu’il faut faire. En bref, si un pays n’est pas en mesure, pour quelque raison que ce soit, de fournir les soins de santé dont une personne a besoin, pourquoi celle-ci ne devrait-elle pas chercher ailleurs ? Le tourisme médical, comme on l’appelle aujourd’hui, est un secteur d’activité florissant et très important.

Selon l’organisation Patients Beyond Borders, « le marché [du tourisme médical] pèserait USD 65 à 87,5 milliards et mobiliserait, à l’échelle du globe, quelque 20 à 24 millions de patients transfrontaliers dépensant en moyenne USD 3 410 par voyage, ce montant comprenant les frais médicaux, les transports transfrontaliers et locaux, le séjour et l’hébergement des malades hospitalisés »1). De toute évidence, le tourisme médical est déjà un énorme marché dont la croissance est assurée à court et moyen terme.

Les soins de santé loin de chez soi

Il conviendrait d’abord de préciser ce qu’on entend par « tourisme médical ». Monica Figuerola Martín a exercé les fonctions de Directrice générale de Spaincares (Clúster Español de Turismo de Salud) ces deux dernières années ainsi que celles de Directrice générale du tourisme au sein du Gouvernement de La Rioja pendant 12 ans ; elle est aussi titulaire d’un doctorat en tourisme. En tant quʼAnimatrice du groupe de travail WG 2, Services pour le tourisme de santé, du comité technique de l’ISO pour le tourisme (ISO/TC 228) – qui met au point la future ISO 22525, une Norme internationale pour le tourisme médical –, elle tient à faire la distinction entre « tourisme médical » et « médecine touristique ». Dans sa plus simple acception, cette dernière expression fait référence « aux personnes qui voyagent et qui tombent malades ou ont un accident et doivent alors être hospitalisées ». Monica Figuerola Martín préfère le mot « voyage », estimant que « tourisme » a un sens plus superficiel – de fait, lorsque des personnes voyagent pour des raisons médicales, ce ne sont pas des touristes, ce sont des patients. Leur motivation principale est de voyager pour bénéficier d’un traitement médical indisponible dans leur propre pays. C’est donc pour cette raison que Mme Figuerola Martín souhaiterait même aller plus loin et qualifier ce phénomène de « voyage médical » afin d’éviter toute ambiguïté à ce sujet.

Quelles sont les pathologies les plus courantes donnant lieu au tourisme médical ? En résumé, il semble que presque toutes les affections sont concernées. Patients Beyond Borders publie une longue liste de maladies et d’affections, depuis celles qui relèvent de la chirurgie esthétique sans mettre la vie des patients en danger ainsi que de la dentisterie jusqu’aux diverses formes de cancer et aux soins en matière de reproduction. Et c’est précisément parce qu’il existe maintenant tant de traitements possibles pour tant de pathologies différentes que les Normes internationales sont si importantes pour les « voyageurs médicaux » du monde entier.

Une autre question étroitement liée à la précédente est, bien entendu, de savoir pourquoi les gens voyagent pour recevoir des soins médicaux. Parmi les réponses évidentes figurent le coût élevé des traitements et les longs délais d’attente pour l’accès aux soins médicaux dans de nombreux pays, conjugués aux possibilités accrues de voyager dans le monde entier à moindres frais. Toutefois, ce ne sont pas les seules raisons. Certains patients apprécient la meilleure qualité des infrastructures médicales d’autres pays et ont accès à des traitements qui ne peuvent être légalement proposés dans leur propre pays, comme la procréation médicalement assistée pour ceux qui veulent des enfants.

Il arrive parfois qu’un pays acquière une excellente réputation pour le traitement d’une pathologie particulière et que des patients optent même pour des essais cliniques qui ne sont conduits nulle part ailleurs dans le monde, sans même parler de leur propre pays. Il se peut aussi que certains voyagent pour une raison aussi banale que de meilleures conditions météorologiques : ainsi, beaucoup de personnes trouvent qu’il est plus agréable de se faire dialyser au bord de la mer, sous un ciel bleu et un soleil radieux.

La sécurité avant tout

À quelles difficultés le tourisme médical se heurte-t-il et en quoi les Normes internationales sont-elles une aide ? La sécurité est de toute évidence la première des priorités. Beaucoup de pays proposent une vaste gamme de traitements médicaux, dont la plupart sont très coûteux. Toutefois, cela ne veut pas dire que tous les pays offrent les mêmes traitements, et moins encore les meilleurs. La sécurité doit être améliorée parallèlement aux protocoles car, autant que le permettent les paramètres d’une procédure donnée, il est nécessaire de garantir qu’un traitement sera couronné de succès et que l’expérience vécue par le patient sera la meilleure possible.

Plus généralement, le tourisme médical mobilise une multitude de parties prenantes et se caractérise par une chaîne de valeur longue et souvent complexe, qui s’étend du tout premier moment où une entreprise contacte un hôpital pour demander un devis au tout dernier moment, lorsque le traitement est terminé et que le patient rentre chez lui. Ce parcours est marqué par de très nombreuses étapes critiques, et il est important pour certains pays de développer ce type d’activités – à condition qu’elles soient menées en toute sécurité.

Yosr Nefzaoui, Chef de projet pour ISO 22525 sur le tourisme médical, dirige l’agence de voyage SAFAR établie en Tunisie – une agence rattachée au groupe du Service Médical International (SMEDI), qui intervient en Afrique depuis 2007 – et préside en outre la Commission tourisme médical relevant de la Fédération tunisienne des agences de voyage et de tourisme (FTAV). Elle souligne que la Tunisie reçoit de nombreux patients venant d’Afrique du Nord et d’Afrique subsaharienne, où les systèmes de soins de santé ne répondent pas à leurs besoins.

La stratégie adoptée actuellement par la Tunisie en matière de soins de santé est tout à fait remarquable, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Un bref coup d’œil aux statistiques le montre amplement : on y dénombre 115 cliniques disposant de 4 00 lits, 100 centres d’hémodialyse, 150 centres de radiodiagnostic, 232 laboratoires d’analyses médicales, plus de 5 300 cabinets de médecins généralistes, plus de 1 600 cabinets dentaires et presque autant de pharmacies. Et pourtant, il est probablement justifié de dire qu’en matière de soins de santé, la Tunisie n’a pas la même réputation que des pays comme l’Allemagne ou la Suisse. Si ces deux pays sont certes réputés pour leur sens de l’organisation et leur efficacité, il n’y a aucune raison objective pour que la Tunisie et d’autres pays similaires ne puissent bénéficier d’une certaine forme de reconnaissance, et c’est dans ce domaine que les Normes internationales se révèleront particulièrement utiles.

Répondre aux besoins du marché

La première étape dans l’élaboration d’une Norme internationale consiste à confirmer la demande du marché, et il est désormais bien établi que le nombre de personnes voyageant pour recevoir des soins de santé a augmenté de façon spectaculaire ces dernières années. En conséquence, il est urgent d’élaborer des normes qui définissent, au niveau international, les exigences minimales de qualité pour l’ensemble du processus. Le tourisme médical comporte une série de risques et d’opportunités connexes pour les patients ainsi que pour les nombreuses parties prenantes. ISO 22525, encore à l’état de projet mais qui sera publiée très prochainement, se concentrera sur les intermédiaires de la chaîne de valeur, où il n’y a aucun contrôle mais où les risques sont élevés.

Afin d’éviter toute atteinte à la santé des voyageurs, tous les acteurs de la chaîne de valeur devraient se conformer à certaines exigences afin de limiter les risques. Les Normes internationales définiront un très large éventail d’exigences pour les divers secteurs concernés, depuis l’organisation du séjour par les agences de voyage jusqu’à la qualité des soins dispensés par les établissements de santé.

En l’occurrence, les Normes internationales en cours d’élaboration sont centrées sur quatre domaines :

  • Processus antérieur au voyage et au traitement
  • Processus de traitement
  • Processus postérieur au traitement
  • Retour à domicile et suivi

Excellence clinique

Pour les utilisateurs finals, la norme vise à soumettre à des restrictions les participants aux soins de santé qui ne satisfont pas à ces exigences et, par conséquent, à limiter les risques et à assurer des soins de qualité. De façon peut-être paradoxale, les patients en savent souvent peu sur la notion de « normes » et ignorent probablement qu’elles sont requises par les centres de santé et les autres parties prenantes. Ce sont pourtant ces centres qui attachent une si grande importance aux Normes internationales, parce qu’ils accueillent de plus en plus de patients venant de l’étranger. Les centres de soins de santé ont besoin d’obtenir une certification, sinon les pouvoirs publics refuseront tout simplement de les reconnaître. L’excellence médicale et l’accréditation internationale sont les principaux facteurs qui régissent l’essentiel des flux internationaux de patients et qui stimulent en permanence le tourisme médical international.

D’une manière générale, la normalisation de l’expérience du tourisme médical vécue par le patient améliorera la qualité des soins ainsi que la sécurité et la satisfaction des patients. Cela peut être d’une valeur inestimable non seulement pour les patients, mais aussi pour toutes les parties prenantes et pour chacun d’entre nous. Et comme souvent, les comités qui rédigent et fournissent les Normes internationales accomplissent un travail essentiel – et qui pourrait même sauver des vies dans le cas du tourisme médical –, mais invisible.Il arrive parfois qu’un pays acquière une excellente réputation pour le traitement d’une pathologie particulière et que des patients optent même pour des essais cliniques qui ne sont conduits nulle part ailleurs dans le monde, sans même parler de leur propre pays. Il se peut aussi que certains voyagent pour une raison aussi banale que de meilleures conditions météorologiques : ainsi, beaucoup de personnes trouvent qu’il est plus agréable de se faire dialyser au bord de la mer, sous un ciel bleu et un soleil radieux.

La sécurité avant tout

À quelles difficultés le tourisme médical se heurte-t-il et en quoi les Normes internationales sont-elles une aide ? La sécurité est de toute évidence la première des priorités. Beaucoup de pays proposent une vaste gamme de traitements médicaux, dont la plupart sont très coûteux. Toutefois, cela ne veut pas dire que tous les pays offrent les mêmes traitements, et moins encore les meilleurs. La sécurité doit être améliorée parallèlement aux protocoles car, autant que le permettent les paramètres d’une procédure donnée, il est nécessaire de garantir qu’un traitement sera couronné de succès et que l’expérience vécue par le patient sera la meilleure possible.

Plus généralement, le tourisme médical mobilise une multitude de parties prenantes et se caractérise par une chaîne de valeur longue et souvent complexe, qui s’étend du tout premier moment où une entreprise contacte un hôpital pour demander un devis au tout dernier moment, lorsque le traitement est terminé et que le patient rentre chez lui. Ce parcours est marqué par de très nombreuses étapes critiques, et il est important pour certains pays de développer ce type d’activités – à condition qu’elles soient menées en toute sécurité.

Yosr Nefzaoui, Chef de projet pour ISO 22525 sur le tourisme médical, dirige l’agence de voyage SAFAR établie en Tunisie – une agence rattachée au groupe du Service Médical International (SMEDI), qui intervient en Afrique depuis 2007 – et préside en outre la Commission tourisme médical relevant de la Fédération tunisienne des agences de voyage et de tourisme (FTAV). Elle souligne que la Tunisie reçoit de nombreux patients venant d’Afrique du Nord et d’Afrique subsaharienne, où les systèmes de soins de santé ne répondent pas à leurs besoins.

La stratégie adoptée actuellement par la Tunisie en matière de soins de santé est tout à fait remarquable, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Un bref coup d’œil aux statistiques le montre amplement : on y dénombre 115 cliniques disposant de 4 700 lits, 100 centres d’hémodialyse, 150 centres de radiodiagnostic, 232 laboratoires d’analyses médicales, plus de 5 300 cabinets de médecins généralistes, plus de 1 600 cabinets dentaires et presque autant de pharmacies. Et pourtant, il est probablement justifié de dire qu’en matière de soins de santé, la Tunisie n’a pas la même réputation que des pays comme l’Allemagne ou la Suisse. Si ces deux pays sont certes réputés pour leur sens de l’organisation et leur efficacité, il n’y a aucune raison objective pour que la Tunisie et d’autres pays similaires ne puissent bénéficier d’une certaine forme de reconnaissance, et c’est dans ce domaine que les Normes internationales se révèleront particulièrement utiles.

Répondre aux besoins du marché

La première étape dans l’élaboration d’une Norme internationale consiste à confirmer la demande du marché, et il est désormais bien établi que le nombre de personnes voyageant pour recevoir des soins de santé a augmenté de façon spectaculaire ces dernières années. En conséquence, il est urgent d’élaborer des normes qui définissent, au niveau international, les exigences minimales de qualité pour l’ensemble du processus. Le tourisme médical comporte une série de risques et d’opportunités connexes pour les patients ainsi que pour les nombreuses parties prenantes. ISO 22525, encore à l’état de projet mais qui sera publiée très prochainement, se concentrera sur les intermédiaires de la chaîne de valeur, où il n’y a aucun contrôle mais où les risques sont élevés.

Afin d’éviter toute atteinte à la santé des voyageurs, tous les acteurs de la chaîne de valeur devraient se conformer à certaines exigences afin de limiter les risques. Les Normes internationales définiront un très large éventail d’exigences pour les divers secteurs concernés, depuis l’organisation du séjour par les agences de voyage jusqu’à la qualité des soins dispensés par les établissements de santé.

En l’occurrence, les Normes internationales en cours d’élaboration sont centrées sur quatre domaines :

  • Processus antérieur au voyage et au traitement
  • Processus de traitement
  • Processus postérieur au traitement
  • Retour à domicile et suivi

Excellence clinique

Pour les utilisateurs finals, la norme vise à soumettre à des restrictions les participants aux soins de santé qui ne satisfont pas à ces exigences et, par conséquent, à limiter les risques et à assurer des soins de qualité. De façon peut-être paradoxale, les patients en savent souvent peu sur la notion de « normes » et ignorent probablement qu’elles sont requises par les centres de santé et les autres parties prenantes. Ce sont pourtant ces centres qui attachent une si grande importance aux Normes internationales, parce qu’ils accueillent de plus en plus de patients venant de l’étranger. Les centres de soins de santé ont besoin d’obtenir une certification, sinon les pouvoirs publics refuseront tout simplement de les reconnaître. L’excellence médicale et l’accréditation internationale sont les principaux facteurs qui régissent l’essentiel des flux internationaux de patients et qui stimulent en permanence le tourisme médical international.

D’une manière générale, la normalisation de l’expérience du tourisme médical vécue par le patient améliorera la qualité des soins ainsi que la sécurité et la satisfaction des patients. Cela peut être d’une valeur inestimable non seulement pour les patients, mais aussi pour toutes les parties prenantes et pour chacun d’entre nous. Et comme souvent, les comités qui rédigent et fournissent les Normes internationales accomplissent un travail essentiel – et qui pourrait même sauver des vies dans le cas du tourisme médical –, mais invisible.

 


1)  Patients Beyond Borders: “Medical Tourism Statistics & Facts”, (consulté en avril 2019) 

Elizabeth Gasiorowski-Denis
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Elizabeth Gasiorowski-Denis
Rédactrice en chef d'ISOfocus