Bâtir un réseau ferroviaire robuste

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Premier réseau de transport terrestre au monde, les trains doivent chaque jour transporter de manière à la fois sûre et efficace marchandises et passagers tout en assurant le confort de ces derniers. Les normes ISO qui soutiennent le secteur ferroviaire nous aideront assurément à privilégier le rail à l’avenir. 

Workers of the Canadian National Railway, CN Rail, survey the damage to three coaches after a derailment.

Les effets d’un séisme sur un train en mouvement dépendent de la nature du séisme et du train lui-même.

La sûreté, la sécurité, la commodité et l’expérience des passagers sont depuis longtemps au cœur des priorités du secteur ferroviaire, et elles devraient le rester à l’avenir. S’il va sans dire que la sûreté et le rôle des technologies pour assurer la sécurité des passagers demeurent essentiels, c’est d’autant plus vrai s’agissant des séismes.

Les effets d’un séisme sur un train en mouvement dépendent à la fois de la nature du séisme et du train lui-même. Plus la vitesse du train et la magnitude du séisme sont faibles, plus il y aura de chances que celui-ci ne sorte pas des rails. En revanche, lors d’un séisme de forte magnitude, un train risque davantage de dérailler et de se renverser. La direction du mouvement sismique du sol est elle aussi un facteur déterminant. Les séismes peuvent engendrer divers problèmes pour un train en mouvement. Le mouvement des rails sous un train qui roule peut en premier lieu provoquer son déraillement. Les séismes peuvent par ailleurs endommager ou déformer les rails plus avant sur le trajet d’un train et donc entraîner un déraillement, et ce même lorsque les secousses ont cessé.

Par le passé, nous avons pu constater qu’un réseau ferroviaire touché par un séisme pouvait provoquer d’important dégâts, et, pire encore, une grande douleur. Ce fut notamment le cas lorsque le 11 mars 2011, le Japon fut frappé par un séisme d’une magnitude de 8,9. Différentes solutions ont été mises en œuvre sur la base de catastrophes et d’accidents survenus précédemment. Alors, quelles leçons avons-nous tirées de ce type de phénomènes ?

ISOfocus s’est entretenu avec l’initiateur des travaux sur ces questions, Roberto Previati, Président du sous-comité SC 3, Opérations et services, du comité technique ISO/TC 269, Applications ferroviaires, afin de comprendre pourquoi le secteur ferroviaire fait bien les choses avec de nouvelles normes à l’épreuve des séismes, et quel sera le rôle des normes ISO à l’avenir dans le transport par rail – que la terre tremble ou non.

INTERVIEW

Roberto Previati

Président du sous-comité SC 3, Opérations et services, de l’ISO/TC 269, Applications ferroviaires.

Roberto Previati
ISOfocus
Quelles améliorations sont apportées pour renforcer la sécurité et l’efficacité des chemins de fer, notamment lors d’un séisme ?
Roberto Previati

Il est important de rappeler que les séismes ont un effet sur tous les modes de transport, mais plus encore sur les réseaux ferroviaires. Avec le Programme mondial d’évaluation des risques sismiques, une initiative parrainée par les Nations Unies, un projet international a été mis au point pour aider les pays à se préparer à de futurs séismes et prendre les mesures nécessaires pour atténuer les dommages potentiels et limiter le nombre de blessés et de morts. Pour la première fois, nous avons pu dresser avec précision une carte des zones sismiques dans le monde. Dressée par une équipe de scientifiques, celle-ci indique la « magnitude » du risque sismique menaçant de nombreux pays, partout dans le monde.

Close-up of the seismic abutment of a railway bridge.

Dispositif sismique d’un pont ferroviaire.

Parer aux séismes a toujours été un enjeu majeur pour le réseau ferroviaire. À vrai dire, cette question a longtemps été dans le collimateur de l’ISO/TC 269 pour les applications ferroviaires. Elle est cependant devenue centrale lorsqu’une proposition d’étude nouvelle (NWIP) sur l’évaluation des risques sismiques a été soumise par le JISC, membre de l’ISO pour le Japon. Conçue pour aider et soutenir le réseau ferroviaire et ses parties prenantes, en particulier les autorités, les gestionnaires d’infrastructures et les organismes de contrôle des réseaux ferroviaires, cette norme, publiée en 2020, établit un ensemble de procédures afin d’assurer la prise en compte, l’évaluation et l’atténuation de l’ensemble des risques, pendant et après un séisme.

ISO 22888, Applications ferroviaires – Planification des concepts d’exploitation en cas de séisme, précise les concepts et exigences de base pour la planification de l’exploitation ferroviaire en vue de réduire le risque en cas de séisme. Elle vise à atténuer les répercussions négatives sur les services ferroviaires, notamment les dommages, blessures et décès, grâce à un contrôle adéquat des trains lors d’un incident sismique, et à anticiper les opérations et la réduction des temps d’immobilisation, toutes deux facilitées par une inspection adéquate et une intervention rapide.

Selon vous, comment ISO 22888, récemment publiée, sera-t-elle accueillie ?

Bien que la plupart des réseaux de transports sont susceptibles d’être perturbés par la survenue d’un séisme, les réseaux ferroviaires sont particulièrement vulnérables du fait de leur complexité. Non seulement les services ferroviaires peuvent être entravés, mais pour certains services comme les trains à grande vitesse, les conséquences sont potentiellement catastrophiques.

Comme certains de nos lecteurs le savent peut-être, les réseaux à grande vitesse se sont particulièrement développés en l’espace de deux décennies, partout dans le monde. Il convient donc que de nouvelles contre-mesures soient mises en place ou adaptées afin de faire face à un éventuel séisme. ISO 22888 est née de ce besoin, dans l’espoir qu’elle permettra de retenir les contre-mesures les plus adéquates pour chaque ligne de chemin de fer en tenant compte du risque sismique, de la nature des sols, des structures existantes et de la densité du trafic.

Comment les normes ISO peuvent-elles aider à surmonter les obstacles potentiels ?

Grâce à la numérisation et aux nouveaux réseaux interconnectés, les distances semblent progressivement s’effacer, avec des trains à grande vitesse permettant aujourd’hui d’amener davantage de passagers à destination plus rapidement que jamais auparavant. Plus récemment, l’urgence sanitaire à laquelle nous sommes confrontés a démontré que nous vivions tous sur la même planète. Dans ce village qu’est désormais notre monde, les stratégies normalisées présenteront d’importants avantages.

À l’échelon mondial, les effets positifs de la normalisation sont avérés et reconnus. Dans le cadre d’une politique de transport axée sur l’innovation, les normes encouragent le recours à des solutions techniques durables et de pointe pour le secteur ferroviaire – des communications numériques aux programmes d’électrification – qui aideront à accroître la compétitivité du rail dans les années à venir. Les normes ISO sont donc l’un des meilleurs moyens de lever tout « obstacle » de longue date, encore présent dans certains cas.

L’ISO/TC 269 et ses sous-comités s’emploient à élaborer des normes essentielles pour le secteur ferroviaire. Essentielles pour construire des trains et des infrastructures ferroviaires ultramodernes. Essentielles également pour construire des trains et des infrastructures ferroviaires répondants aux exigences communes pour un réseau ferroviaire plus compétitif.

Nous assistons au retour en force du rail, pour les usagers comme pour le transport des marchandises. Quelles sont les tendances à suivre dans les années à venir ?

Partout dans le monde, on constate que les réseaux ferrés, y compris les transports urbains, bénéficient visiblement d’investissements considérables afin d’améliorer les services ferroviaires. Il convient de préciser que la Commission européenne a proposé de proclamer 2021 « Année européenne du rail » afin de soutenir la réalisation des objectifs du pacte vert pour l’Europe dans le secteur des transports. Cette année sera l’occasion de faire la promotion du rail en tant que mode de transport durable, innovant et sûr et, ainsi, de mettre en avant les avantages qu’il présente pour ses citoyens, pour l’économie et, par-dessus tout, pour le climat. Même aux États-Unis où, traditionnellement, le transport aérien s’est longtemps imposé face au rail, d’importants investissements ont été consentis pour améliorer le réseau ferroviaire.

Il ne faut pas non plus oublier le rôle des réseaux ferrés dans le développement actuel de la Chine qui, en l’espace de 20 ans, est parvenue à couvrir 139 000 km, dont 35 000 km pour les lignes à grande vitesse – soit 5 000 km de plus par rapport aux 30 000 km initialement prévus à l’horizon 2020. En outre, en avril 2020, les premiers trains de fret géants ont commencé à rouler entre la Chine et l’Europe. Depuis, 17 convois ont emprunté ce réseau.

Ce n’est certainement pas une coïncidence si la norme ISO 22888 a été proposée par le Japon, un pays dont le réseau ferroviaire est reconnu pour son efficacité, sa capacité, sa ponctualité et les technologies mises en œuvre dans une démarche d’amélioration continue. Ses trains à grande vitesse – et ses innovations technologiques – sont réputés partout dans le monde. Prenons, par exemple, la première ligne Shinkansen entre Tokyo et Shin-Osaka, inaugurée en 1964. Depuis, les lignes à grande vitesse, ainsi que les services ferroviaires conventionnels, se sont considérablement développés.

Quels sont vos objectifs et vos aspirations pour l’avenir en termes d’applications ferroviaires sûres et de normalisation ?

Les normes sont incontestablement des outils puissants pour promouvoir la libéralisation, l’interopérabilité, la numérisation et la durabilité du secteur ferroviaire. Ces dernières offriront un avantage considérable aux usagers du fait de prix abordables, d’une pollution réduite et d’un confort accru.

A grey suspension train meanders along a steel monorail at Düsseldorf International Airport, Germany.

Le H-Bahn, un monorail suspendu reliant les aérogares de l’aéroport international de Düsseldorf, Allemagne.

L’ISO/TC 269 collabore avec d’autres comités ISO pour servir la cause du rail, notamment l’ISO/TC 268 et l’ISO/TC 204. Les travaux de ces comités portent notamment sur les villes intelligentes, les systèmes de transport intelligents et la numérisation, qui permettront de proposer des services toujours plus intégrés aux usagers. Ensemble, nous aiderons le système mondial de transport par rail à gagner en efficacité pour chacun, partout dans le monde.

Enfin, et surtout, nous suivons de près le « pacte vert », une nouvelle frontière prévoyant la « neutralité climatique à l’horizon 2050 », qui pourrait tirer parti de la normalisation pour soutenir des plans ambitieux visant à proposer des solutions pour le climat, la mobilité intelligente, l’absence d’émissions polluantes et les sources d’énergie alternatives (hydrogène, batteries, sources hybrides, etc.).

Sans nul doute, l’avenir du rail reposera sur un mode de transport capable de limiter la consommation d’énergie et les impacts environnementaux associés aux transports. Quoi que nous réserve l’avenir, les usagers sont sur la bonne voie pour tirer parti des normes.

Novembre/Décembre 2020

En transit

Ce numéro lève le voile sur les tendances actuelles dans le secteur des transports et présente les stratégies qui s’avèreront payantes pour le secteur dans son ensemble en 2021. Découvrez ici les toutes dernières solutions.

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Elizabeth Gasiorowski-Denis
Rédactrice en chef d'ISOfocus