La pandémie de COVID-19 continue de bouleverser nos vies et les économies partout dans le monde, avec des effets particulièrement dévastateurs sur l’industrie aéronautique. Séverin Drogoul, expert du secteur depuis plus de 35 ans, revient sur les défis actuels et les opportunités à saisir pour assurer une reprise durable de l’activité aéronautique.
L’avenir des transports maritimes
Avec les avancées de la technique et l’évolution de la dynamique industrielle, de plus en plus de compagnies maritimes consacrent du temps, de l’énergie et des ressources à la numérisation. Les progrès technologiques devraient contribuer à rendre les transports maritimes – et toute la chaîne d’approvisionnement – beaucoup plus efficaces pour les 11 milliards de tonnes et plus de marchandises qui transitent chaque année par mer à l’échelle du globe. Cette initiative aura de nombreux avantages pour les échanges commerciaux, la sûreté, la sécurité et l’environnement, les normes ISO jouant un rôle clé à cet égard.
Plus de 90 % du commerce mondial s’effectue par mer.
Depuis que l’homme a appris à construire des radeaux en assemblant des troncs d’arbre et à s’en servir pour transporter des marchandises par voie d’eau, le commerce maritime a prospéré et s’est développé. Selon les historiens, les premières routes commerciales internationales ont été ouvertes il y a cinq mille ans entre la péninsule arabique et le Pakistan, avant de s’étendre à l’ensemble du globe au XVIIIe siècle. Le transport de passagers et de marchandises par voie maritime est un processus efficace et rentable, et constitue de nos jours une activité économique de tout premier plan, puisqu’en volume, selon l’Organisation maritime internationale (OMI), plus de 90 % du commerce mondial s’effectue par mer.
Si le commerce est une bonne chose, s’y livrer en passant par des ports est une activité complexe. Lorsqu’un navire entre dans un port ou en sort, des renseignements cruciaux sur la cargaison, l’équipage, les caractéristiques du navire et bien d’autres éléments doivent être communiqués aux autorités compétentes. Il faut disposer de relevés de données exacts et complets pour prendre les bonnes décisions au bon moment. Les exploitants d’un navire sont ainsi tenus de fournir toute une série de relevés, de certificats et de données concernant la cargaison, les passagers, la sécurité, la protection de l’environnement et la déclaration en douane.
Le processus peut également nécessiter l’intervention de plusieurs autorités chargées de la réglementation ainsi que d’éventuelles interactions avec des fonctions mobilisant plusieurs entreprises, telles que le déchargement du fret ou le stockage et l’expédition des marchandises. Cela nécessite à son tour une communication active entre une multitude de systèmes différents dans les entreprises et les ports concernés, sur les navires et au sein même des autorités chargées de la réglementation. Ce réseau complexe permet d’échanger de grandes quantités d’informations et de données afin de faire transiter un navire et sa cargaison par le port considéré. Cela semble simple, n’est-ce pas ? Et pourtant…
Les innovations technologiques fleurissent
Avec les avancées de la technique et l’évolution de la dynamique industrielle, de plus en plus de compagnies maritimes consacrent du temps, de l’énergie et des ressources à la numérisation. La technologie numérique, lorsqu’elle est bien adaptée, peut assurer la continuité même dans les circonstances les plus difficiles, y compris pour des activités extrêmement complexes portant sur un volume élevé de marchandises et se déroulant à un rythme rapide. Alors que la technologie assure le plein développement des transports maritimes, on estime qu’au niveau de l’UE, un gain d’efficacité de 10 % à 30 % obtenu dans le secteur de la logistique équivaut à une réduction des coûts comprise entre cents et trois cents milliards de livres sterling pour les industries européennes, conjuguée à une forte diminution (de 15 % à 30 %) des émissions de CO2.
Comme l’a déclaré plus tôt cette année le Secrétaire général de l’OMI, Kitack Lim, lors d’un webinaire sur la connectivité numérique et les normes relatives aux données, la numérisation, les mégadonnées et les nouvelles technologies telles que l’intelligence artificielle jouent un rôle capital dans le relèvement post-COVID. Selon lui, « la coopération entre les secteurs des transports maritimes, des ports et de la logistique sera essentielle pour améliorer l’efficacité et la durabilité des activités menées dans ce domaine, ce qui devrait par conséquent faciliter les échanges commerciaux et favoriser la reprise économique et la prospérité. La numérisation et les nouvelles technologies seront également des facteurs décisifs à l’appui de la normalisation et, partant, de l’efficacité accrue des transports maritimes ».
Mais comment faciliter des échanges commerciaux efficaces et efficients ? « La facilitation du commerce s’inscrit dans une triple démarche : simplification, harmonisation et normalisation », explique Sue Probert, Présidente du CEFACT-ONU, le Centre des Nations Unies pour la facilitation du commerce et les transactions électroniques. Le CEFACT-ONU est appuyé par la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE-ONU) établie à Genève. Sue Probert a travaillé dans le domaine de la facilitation du commerce pendant 30 ans, a conseillé des gouvernements, des organes de réglementation et des entreprises dans le monde entier et exerce actuellement les fonctions de Rédactrice en chef de la Bibliothèque de composants communs du CEFACT-ONU, qui est un ensemble de normes pour la sémantique des données visant à contribuer au bon déroulement des échanges commerciaux.
Un système unique en ligne de mire
La nécessité de recourir à la normalisation a aussi été soulignée par le Responsable de la facilitation au sein de l’OMI, Julian Abril, qui a rappelé les prescriptions obligatoires relatives à l’échange électronique des données de la Convention visant à faciliter le trafic maritime international (Convention FAL) de l’OMI, en vigueur depuis avril 2019. Des discussions sont actuellement en cours en vue d’imposer un « guichet unique » pour le secteur maritime, de sorte que toutes les données relatives à l’arrivée et au départ des navires soient recueillies en un même point avant d’être transmises aux organismes concernés.
La normalisation et l’harmonisation requises à cet effet sont décrites dans le Répertoire de l’OMI sur la simplification des formalités et le commerce électronique. Ce répertoire consiste en une série d’outils destinés aux concepteurs de logiciels chargés de créer les systèmes nécessaires pour assurer la transmission de messages électroniques concernant l’ensemble des relevés, données et renseignements qui doivent être échangés entre les navires, la côte et les autorités chargées de la réglementation. Il comprend une série de données et un modèle de référence pour l’échange électronique de données (EDI), désormais imposés par la dernière version amendée de la Convention FAL. L’objectif est de permettre aux entreprises engagées dans le commerce ou les transports maritimes de créer plus facilement des logiciels susceptibles de communiquer, quelle que soit leur norme de référence.
« Le guichet unique fait office de centre pour les autorités chargées de la réglementation en matière de commerce et les entreprises qui doivent leur transmettre des renseignements. L’accès à un tel guichet est réservé aux autorités chargées de la réglementation pour les entreprises concernées, alors qu’un système portuaire intégré (PCS) peut assurer – et assure souvent – beaucoup d’autres fonctions, telles que la logistique et les opérations de transit », indique le Secrétaire général de l’Association internationale des systèmes portuaires intégrés (IPCSA), Richard Morton. « D’une certaine façon, les PCS ont été les tout premiers guichets uniques », ajoute-t-il.
Un PCS peut également servir de guichet unique s’il reçoit le feu vert de l’organe gouvernemental compétent d’un pays donné et qu’il répond aux cinq critères requis. Les membres de l’IPCSA s’intéressent aussi de près aux normes relatives aux données, qui jouent un rôle central dans leurs activités en assurant une communication sans heurt entre divers systèmes.
La coopération, la communication et la collaboration instaurées entre les différentes parties prenantes en vue de tenir à jour et d’enrichir le répertoire, tout en cherchant à élargir sa série de données et son modèle de référence à des domaines ne relevant pas strictement de la Convention FAL, ont été officialisées par un accord de partenariat signé en mars 2020. Les signataires de cet accord – l’ISO, l’OMI, l’Organisation mondiale des douanes (OMD) et la CEE-ONU – appuient cette intensification de la numérisation dans le secteur maritime.
L’accord de partenariat facilite l’actualisation du modèle de référence pour les données adopté par l’OMI et son développement ultérieur aux fins de l’harmonisation des normes relatives aux données dans des domaines autres que ceux relevant de la Convention FAL, comme l’échange de données opérationnelles, susceptible de faciliter l’exploitation des navires en flux tendu. Ce mode d’exploitation permet aux navires d’optimiser leur vitesse et d’arriver ainsi à leur port de destination lorsque leur poste à quai est prêt et contribue de ce fait à réaliser des économies d’énergie et à réduire les coûts et les émissions.
Les parties à cet accord ont déjà entrepris de collaborer à la mise au point du modèle de référence de l’OMI, qui est un élément clé du Répertoire de l’OMI sur la simplification des formalités et le commerce électronique et qui répond aux exigences en matière de communication de renseignements définies dans la Convention FAL à l’appui de la transmission, de la réception et du traitement des renseignements exigés pour l’arrivée, l’escale et le départ des navires, des passagers et de la cargaison via l’échange électronique de données. Cette initiative assure l’interopérabilité des normes propres aux divers organismes concernés.
Mise en place des opérations portuaires assistées par systèmes électroniques
Dans un port, les procédures de dédouanement et autres exigences réglementaires sont l’une des principales causes d’embouteillage potentiel ; c’est pourquoi l’ISO et ses partenaires se sont employés à répondre à ce besoin par l’intermédiaire du comité technique ISO/TC 8, Navires et technologie maritime. Il en a résulté deux normes essentielles, à savoir ISO 28005-1, Systèmes de management de la sécurité pour la chaîne d’approvisionnement – Opérations portuaires assistées par systèmes électroniques – Partie 1: Structures des messages, et ISO 28005-2, Systèmes de management de la sécurité pour la chaîne d’approvisionnement – Opérations portuaires assistées par systèmes électroniques – Partie 2: Éléments de données principaux.
« ISO 28005-1 définit une structure globale des systèmes de management pour les opérations portuaires assistées par systèmes électroniques, tandis qu’ISO 28005-2 décrit les exigences détaillées concernant les messages », explique Ørnulf Rødseth, Chercheur principal au sein de la Fondation pour la recherche scientifique et industrielle (SINTEF) établie en Norvège. M. Rødseth œuvre dans ce domaine depuis des décennies ; il fait en outre partie du groupe de travail de l’ISO qui procède actuellement à la révision d’ISO 28005-2 et qui a joué un rôle clé dans la formulation de l’accord conclu entre l’OMI, l’OMD, le CEFACT-ONU et l’ISO. La SINTEF, quant à elle, est un institut de recherche à but non lucratif qui s’intéresse plus particulièrement aux transports et aux technologies maritimes. « Les chercheurs de la SINTEF ont pour objectif de rendre plus efficace le commerce transitant par des ports en mettant au point et en appliquant des systèmes automatisés et des normes », ajoute M. Rødseth.
ISO 28005-2 détaille les éléments de données principaux pour les opérations portuaires assistées par systèmes électroniques, tels que les exigences relatives aux notifications échangées entre les navires et les ports. Il s’agit notamment des exigences formulées dans la Convention FAL, d’autres exigences de l’OMI et du Code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires (ISPS Code).
Jusqu’à présent, les outils dont on dispose pour assurer une numérisation effective et efficace des échanges commerciaux n’ont été utilisés que de façon fragmentée. « En Norvège, nous avons un important guichet unique national, qui prend également en charge la logistique dans les ports d’escale, de sorte que peu de ports norvégiens emploient un système portuaire intégré », indique M. Rødseth. Cette variation s’applique aussi à la demande de normes pour les éléments de données. EDIFACT (échange de données informatisé pour l’administration, le commerce et le transport), par exemple, est un ensemble mondial de règles définies par l’ONU pour l’échange électronique de données interentreprises entre deux ou plusieurs partenaires commerciaux au moyen du système EDI (échange de données informatisé). « EDIFACT a été appliqué avec beaucoup de succès aux porte-conteneurs ainsi qu’à d’autres navires de ligne, mais pas aux quelque 96 000 autres navires qui transportent des cargaisons moins complexes », précise-t-il. « Il y avait d’autres systèmes opérationnels, et certains propriétaires les ont utilisés, mais pas systématiquement. » Il existe donc de grandes possibilités pour l’adoption de normes et une harmonisation accrue, ce qui a incité les partenaires à conclure un accord.
« On souhaiterait voir une harmonisation plus poussée et une participation plus active à l’élaboration des normes. Il serait bon que davantage de personnes connaissant bien les normes prennent part à leur élaboration », déclare Richard Morton, de l’IPCSA, alors que d’après Sue Probert, du CEFACT-ONU, « il nous incombe de rédiger des normes qui facilitent les échanges et le commerce électronique à l’échelle du globe ». Un commerce équitable, bien réglementé, harmonisé et normalisé est en soi compatible avec une croissance économique inclusive et une réduction de la pauvreté. Pour conclure, Ørnulf Rødseth souligne que « 90 % des marchandises faisant l’objet d’échanges sont transportées par bateau, de sorte que l’action que nous menons soutient les forces vives de notre monde ».
Les normes ISO devraient contribuer à la numérisation du secteur maritime.
Une nouvelle route à tracer
La communauté mondiale des utilisateurs maritimes est vaste et variée, puisqu’environ 1,2 million de personnes occupent actuellement un emploi en mer. Mais le nombre de courriels que ces personnes envoient est encore plus important que le nombre de personnes présentes dans l’écosystème. Comme l’a déclaré Kitack Lim, de l’OMI, lors d’un webinaire sur la connectivité numérique et les normes relatives aux données, « le transport maritime est et restera, au niveau mondial, un maillon essentiel de l’appui apporté au commerce international durable. Et cela parce que, quoi qu’il arrive, une chose est sûre : il ne serait pas possible de se procurer des matières premières et de l’énergie et de transporter des biens et produits manufacturés sans transport maritime. Ce sont là des éléments dont dépendront une reprise et une croissance durables. »
De nouveaux partenariats visant à une coopération renforcée et à une reprise économique durable seront nécessaires pour le bien de l’humanité tout entière. Et les normes en cours d’élaboration seront essentielles à cet égard. Ces normes devraient contribuer à la numérisation du secteur maritime, en lui fournissant tous les outils et moyens dont il a besoin pour assurer la continuité des données, porter à son maximum la capacité de connexion des parties prenantes et procéder à l’automatisation des processus à grande échelle. Une chose est sûre : l’ISO est prête à voguer vers ces nouveaux horizons. « Bon vent et bonne mer » à toutes et à tous !
En transit
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